mardi 27 janvier 2009

Délit de participation aux Assises nationales : Le ministre Hamath Sall veut casser le Cncr

Délit de participation aux Assises nationales : Le ministre Hamath Sall veut casser le Cncr
Le ministre de l’Agriculture, Hamath Sall, a signifié à tous ses services, ainsi qu’à tous les partenaires techniques et financiers et au corps diplomatique, sa volonté de voir le Cncr mis en quarantaine. Selon cette structure, on veut la punir pour avoir pris part aux Assises nationales. Par Mohamed GUEYELe temps des rapports policés, empreints d’hypocrisie, a cessé, le moment est à la guerre ouverte. Le ministre de l’Agriculture, M. Hamath Sall a fait le constat de la dégradation de ses rapports avec les leaders de la plus représentative des organisations paysannes du pays, le Conseil national de concertation et de coopération des ruraux (Cncr), et a décidé de couper officiellement les ponts. Une note circulaire envoyée à tous les services dépendant de son ministère, leur a enjoint de cesser, dès réception, toutes les relations qu’ils menaient avec l’organisation paysanne, et de mettre fin à toutes les activités conjointes, même celles en cours.Ne se limitant pas à cela, le ministre Sall a rédigé une autre lettre, à l’intention des représentations diplomatiques établies au Sénégal, ainsi qu’à tous les «partenaires techniques et financiers» du pays, pour leur demander de rompre toutes les relations qu’ils entretenaient avec cette organisation, sous le motif d’activités dites «subversives». La dernière missive a été adressée aux premiers concernés, les membres du Cncr, avec des ampliations au Premier ministre ainsi qu’au président de la République. Cette mesure, si elle n’a pas surpris certains leaders paysans, a pris de court de nombreux partenaires du Sénégal, dont certains la jugent des plus mal venues. L’un de ces diplomates a d’ailleurs commenté que le plus choquant, au-delà du fond, est «le contenu de la lettre, qui contient des termes comme, ‘activités subversives’, ‘déstabilisation des institutions’…» Les gens ont tendance à juger que le ministre de l’Agriculture aurait pu se dispenser de cela.Partenaire fiableAu Cncr, les membres veulent avant tout juger la situation de manière froide et posée. Le président de cette structure, M. Samba Guèye, s’est dispensé de tout commentaire. S’il a juste voulu confirmer avoir reçu la correspondance du ministère, il a déclaré se dispenser de toute appréciation avant l’avis de son Conseil d’administration. «Ce n’est qu’une fois que le conseil de direction aura arrêté une position que nous nous permettrons de donner notre avis sur la question. Pour le moment, les différentes instances du Cncr étudient encore la lettre», a-t-il justifié. Néanmoins, d’autres membres du Conseil n’ont pas pu garder leur langue dans leur poche. L’un d’eux, parlant sous le couvert de l’anonymat, par respect des directives de son chef, affirme que le Cncr est «puni pour avoir pris part aux Assises nationales». Et il ajoute : «Ce qui arrive démontre nettement la duplicité du Président Wade. Comment peut-il, d’un côté, affirmer qu’il va étudier les conclusions des Assises lorsqu’elles lui seront soumises, et de l’autre côté, enclencher des mesures de rétorsion contre le Cncr parce qu’il a pris part aux dites assises ? C’est la preuve qu’il ne croit pas en ce qu’il dit.»Pour certains partenaires techniques et financiers, terme usité pour désigner les bailleurs de fonds étrangers, cette guéguerre sénégalo-sénégalaise est des plus malvenues. Ils rappellent que, avec l’entremise de l’Etat, et surtout, grâce à sa présence sur le terrain, le Cncr s’est imposé comme un interlocuteur incontournable et un partenaire fiable pour tous ceux qui veulent travailler avec le monde rural sénégalais. Un fonctionnaire international a indiqué au Quotidien que les engagements cumulés de certains bailleurs de fonds avec les représentants du monde rural sénégalais, n’étaient pas loin d’atteindre le milliard de francs Cfa. Cela rendait la missive du ministre de l’Agriculture d’autant plus embarrassante, qu’on ne pouvait mettre fin à des programmes en cours d’exercice, et sans évaluation.Critiques persistantesAbsent du pays, parce qu’assistant au Sommet sur la crise alimentaire en Espagne, le ministre Hamath Sall n’a pas pu être joint. De même, le secrétaire général de son département n’était pas non plus disponible. Le Quotidien n’est donc pas en mesure de dire ce qui, à part les motifs invoqués, justifie vraiment la «sortie» de Hamath Sall, que plusieurs leaders paysans ont voulu peindre sous les couleurs de quelqu’un d’ouvert, mais «qui doit mettre en œuvre des ordres qui le dépassent». Sans préjuger des explications officielles du ministre, des observateurs relèvent toutefois que les rapports entre les deux parties ont commencé à se dégrader depuis bien longtemps, et que la participation aux Assises n’a dû être qu’une goutte de plus dans le vase des frustrations.Ils font remarquer que le Cncr n’a jamais été avare de critiques envers les politiques agricoles du gouvernement, relevant au passage que, les critiques acerbes contre la Goana, n’ont été que les dernières en date, d’une longue liste. Le Cncr n’a jamais hésité, font remarquer les mêmes voix, à mobiliser ces représentants lors de ses tournées dans les localités de l’intérieur, pour évoquer une famine qu’ils étaient les seuls à voir. C’est ainsi que, lentement, mais sûrement, des relations qui au début, étaient excellentes, entre Hamath Sall et ses partenaires ruraux, se sont dégradées jusqu’au point actuel.On peut s’attendre, au regard des enjeux et des intérêts des uns et des autres, à ce que la situation évolue d’une manière ou d’une autre. Même s’il s’en défend, le gouvernement ne peut pas ignorer la représentativité et la capacité de mobilisation à l’interne et à l’extérieur du pays, du Cncr.
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