samedi 25 novembre 2023

L'energie par les algues


Je m'appelle Maxime, mais mes amis m'appellent Manx, à cause de l'Île de Man (que je ne connais pas)... Allez savoir pourquoi. J'étudie en génie des bioressources à l'université McGill et j'aime bien parler d'enjeux environnementaux, d'agriculture ou d'autres sujets. Je mords si on me mord, sinon j'arrive à être gentil.


J’ai déjà parlé dans le passé de l’éthanol de première génération, dérivée du maïs, de la canne à sucre et du glucose issu de récoltes agricoles. L’éthanol de seconde génération, quant à lui, serait obtenu de la cellulose contenue dans toute matière végétale. Cela peut aller du bois au panic dressé, qui peut même à la limite être employé comme bande riverraine, à condition de ne pas utiliser de pesticides, d’insecticides et d’effectuer une récolte responsable. Aujourd’hui, je parle de la troisième génération de biocarburants : les huiles retirées des algues.

Le principe est “relativement” simple à expliquer. Cela consiste à nourrir des algues (macroalgues ou microalgues, comme les cyanobactéries ou “algues bleues”, pour ceux à qui ça rappelle des souvenirs) et à en retirer les huiles pour faire du carburant avec celles-ci. Voilà, en une phrase, c’est tout.

Mais qu’est-ce que cette méthode de production a de si spécial ? Hé bien, les rendements sont de 5000 à 20,000 gallons d’huile produite par acre. C’est un rendement de 7 à 30 fois plus élevé que les récoltes d’huile de la plante terrestre la plus efficace. Selon les microalgues, l’huile peut composer 15 à 77% du poids sec de la plante (le poids sec est mesuré en retirant l’eau de la plante). En moyenne, elle composerait environ 30% du poids sec. C’est une excellente quantité d’huile produite.

Un autre avantage de l’huile d’algues est sa capacité de production par superficie. Pour la première fois, un biocarburant a le potentiel de produire, sur une relativement petite superficie, assez d’énergie pour arriver à répondre à des besoins importants en carburant de transport. Prenons un exemple : si les États-Unis devaient remplacer 50% de leur carburant de transport par du biocarburant fait d’éthanol primitif de première génération (dérivé du maïs), il faudrait une superficie de cultures de maïs équivalente à 846% du territoire agricole de leur pays (ou 1540 millions d’hectares). Par contre, si les États-Unis voulaient faire la même chose avec de l’huile d’une algue avec 30% de son poids sec en huiles (le standard), il ne faudait que 2.5% du territoire agricole des États-Unis (4.5 millions d’hectares, ce qui est quand même une assez grande superficie… quoiqu’elle répondrait à la moitié des besoins de transport du pays).

Gardez en tête, toutefois, que les huiles d’algue n’en sont encore qu’à un stade expérimental. Certains, pressés d’en tester la faisabilité, ont lancé des plants expérimentaux à “grande échelle”. Si je me fie à ce que je lis des articles de journaux, c’est une petite erreur, à moins d’être financés au tapis par les gouvernements.

En ce moment, et en assumant que l’on a accès à une source gratuite de dioxyde de carbone (ce qui est relativement rare), produire de l’huile d’algues coûte 2.80$/L. Pour être compétitif au prix du barril de pétrole à 130 US$/barril, l’huile doit arriver à un coût de 0.93$/L, en assumant que l’huile aurait une efficacité équivalente à 80% de celle de l’essence (ce qui me semble un peu optimiste).

Il existe encore beaucoup de moyens de diminuer le coût actuel de la production d’huiles. Plusieurs architectes travaillent sur différents designs de photobioréacteurs (lieu de croissance des algues) pour améliorer le rendement de production des algues et collecter plus d’huiles. Employer des algues avec un plus grand ratio de poids sec d’huile peut aussi aider (ces calculs sont effectués à partir d’une algue de 30% de poids sec). Finalement, il faut savoir que les algues, comme les récoltes sur terre, n’ont pas été sélectionnées artificiellement pour leurs rendements en production de biocarburant (le mode de sélection de nos cultures est la sélection artificielle, où l’on essaie de reproduire les plantes avec une qualité particulière désirée, comme la quantité de fruits produits). D’une façon bien contrôlée, il serait possible d’employer le génie génétique (j’ouvre une boîte de Pandore en disant cela, je sais) pour créer des algues génétiquement modifiées qui répondraient mieux à nos besoins en carburant.

Et une question demeure : si les algues sont la troisième génération de biocarburants, quelle en sera la quatrième génération ? Certains spécialistes regardent en direction du mécanisme de la photosynthèse, qui emploie les rayons du soleil avec une efficacité énergétique de 95% (ce qui est environ 3 fois plus efficace que le panneau solaire de silicone). C’est encore un peu tôt pour s’avancer plus loin, mais l’on voit que la route des carburants biologiques s’annonce extrêmement prometteuse, et ce tant que le prix du pétrole continue sa montée fulgurante.

Sources :

Yusuf Chisti, Biodiesel from microalgae (research review paper), journal Biotechnology Advances, Issue 25 (2007), p. 294-306

Biofuel from Algae, journal Architecture Design, Issue 193, p.118-119

Jonathan Gressel, Transgenics are imperative for biofuel crops, journal Plant Science, Issue 174 (2008), p. 246-263

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